Il est difficile de croire que ce monde si riche puisse être si pauvre au point de ne pouvoir offrir un objet à l'amour d'un être humain.
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Par malheur, c’est presque un idéal collectif que de rester aussi négligent et inconscient que possible dans les situations concernant l’amour. Derrière le masque de respectabilité et d’attachement, la puissance négligée de l’amour empoissonne les enfants.
Evidemment on ne peut faire aucun reproche à l’individu puisqu'on ne peut attendre de lui qu’il sache quelle attitude il devrait faire sienne et comment il devrait résoudre le problème de l’amour dans le cadre de notre idéal et de nos convictions aujourd’hui. Le plus souvent on ne connaît que les moyens négatifs : négligence, ajournement, refoulement et répression.
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Alors que , dans l’attitude externe de l’homme, logique et réalisme prédominent ou ont, pour le moins son idéal, chez la femme, c’est le sentiment qui tient le plus la place.
Dans l’âme, c’est le contraire : intérieurement, l’homme s’abandonne aux sentiments et la femme délibère. Aussi l’homme désespéré-t-il plus vite dans des circonstances où la femme peut toujours consoler et espérer et recourt-il plus facilement au suicide. Si la femme devient aisément victime des conditions sociales (dans la prostitution, par exemple) l’homme succombe aussi aisément aux poussées de i’inconscient comme dans l’alcoolisme ou autres vices semblables.
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La femme sait de plus en plus que l’amour seul lui donne la plénitude du développement, de même que l’homme commence a saisir que l’esprit seul donne à sa vie le sens le plus noble, et tous deux, au fond, cherchent le rapport qui le unira, parce que l’amour a besoin pour se compléter de l’esprit, et l’esprit de l’amour.
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L’Éros est au fond une toute-puissance qui, comme la nature, se laisse utiliser et maîtriser, comme s'il était impuissant. Mais le triomphe sur la nature se fait chèrement payer. La nature n'a que faire d'explications de principe; elle réclame tolérance et sage mesure. Comme le sage Diotima le disait à Socrate: "l’Éros est un grand démon". On n'en a jamais tout a fait fini avec lui, ou si on en a tout a fait fini, c'est à ses propres dépens. Il ne constitue pas toute la nature en nous, mais au moins un de ses aspects principaux.
Le conflit entre "amour" et "devoir" doit être résolu au niveau caractérologique où amour et devoir ne sont plus des opposés, ce que, en réalité, ils ne sont pas. De même, le conflit bien connu entre l'instinct et "morale conventionnelle" doit être résolu de telle façon que les deux facteurs soient suffisamment pris en considération, ce qui n'est guerre possible qu'au moyen d'un changement de caractère. Les solutions purement extérieures sont, dans ces cas-là, plus mauvaises que l'absence de solution.
La vie érotique enclot des problèmes qu'elle comportera jusqu'à la fin de temps, quelles que soient les dispositions que des législation futures pourront être amenées à envisager. Son problématique procède d'une part, du fait que l'homme possède à titre originel une nature animale qui persistera tant que l'homme aura un corps animal et, d’un autre part du fait qu'elle est apparentée aux formes les plus hautes d'esprit. Par suite, la vie érotique ne s'épanouit que lorsque l'esprit et l'instinct se trouvent en une heureuse concordance.Que l'un ou l'autre aspect présente une carence, et déjà se fait un dommage ou au moins une unilatéralité déformante qui mène facilement vers le maladif.
Trop d'animalité défigure l'homme civilisé, trop de culture crée des animaux malades.
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La vie non vécue est une puissance irrésistible de destruction qui agit en silence, mais inexorablement.
(fragments de l'ouvrage "L'âme et la vie")
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