Ce qui guérit une névrose
doit être aussi convaincant que la névrose elle-même et cette dernière n'étant
que trop réelle, l'expérience salvatrice doit être d'une égale réalité. Ce doit
être une illusion bien réelle si nous voulons employer le langage pessimiste.
Mais quelle différence y
a-t-il entre une illusion réelle et une expérience religieuse qui vous guérit ?
Simple question de terminologie. Nous pouvons dire par exemple que la vie est
une maladie dont le pronostic est bien mauvais ; elle traîne pendant des années
pour se terminer par la mort.
Ou encore : que la normalité
est la prédominance généralisée d'une débilité constitutionnelle ; que l'homme
est un animal dont le cerveau est incurablement hypertrophié. Ce genre
d'arguments sont la prérogative habituelle des hypocondriaques.
Le problème de la guérison
est un problème religieux.
Ce qui, pour emprunter une
image au plan social, correspond le mieux à l'état de souffrance de la névrose,
c'est la guère civile. Par la vertu chrétienne, qui fait aimer ou accepter
l'ennemi, et par le pardon, les hommes guérissent l'état de souffrance entre
les hommes. Ce que par conviction chrétienne on recommande à l'extérieur, il
faut l'appliquer sur le plan intérieur dans la thérapie des névroses. C'est
pourquoi les hommes modernes ne veulent plus entendre parler ni de faute ni de
péché. Ils ont assez affaire avec leur mauvaise conscience personnelle, déjà lourdement
chargée ; ce qu'ils désirent apprendre, c'est comment on peut se réconcilier
avec ses propres turpitudes, comment on peut aimer l'ennemi qu'on a dans son
propre cœur, et comment on peut dire « Frère » au loup qui nous dévore.
Une névrose est vraiment «
liquidée » quand elle a corrigé la mauvaise attitude du moi. Ce n'est pas elle
qui est guérie, c'est elle qui nous guérit.
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Celui qui veut connaître l'âme humaine n'apprendra à peu prés rien de la psychologie expérimentale. Il faut lui conseiller d'accrocher au clou la science exacte, de se dépouiller de son habit de savant, de dire adieu à son bureau d'étude et de marcher à travers le monde avec un cœur humain, dans la terreur de prisons, des asiles d’aliénés, des hôpitaux de voir les bouges de faubourgs, les bordels, les tripots, les salons de la société élégante, la Bourse, les meetings socialistes, les églises, le revival et les extases des sectes, d’éprouver sur son propre corps amour et haine, les passions sous toutes les formes; alors, il redeviendra chargé d'un savoir plus riche que celui que lui auraient donné des manuels épais d'un pied et il pourra être, pour ses malades , un médecin, un véritable connaisseur de l'âme humaine.
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La névrose est désunion avec soi-même.
Les natures problématiques sont souvent névrosées; mai on se méprendrait gravement si l'on confondait ce caractère problématique avec la névrose; il y a entre les deux une différence capitale: le névrosé est malade parce qu'il n'a pas conscience de ses problèmes, tandis que le problématique souffre, sans être malade, des problèmes qui lui sont conscients.
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(Fragment de l'ouvrage "L’âme et la vie" )
Photo: Antonio MORA
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